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Biographie

Aline Depas, 27 ans, vit dans la ferme familiale paternelle qu’elle a reprise en janvier 2022. Elle a grandi dans cette exploitation agricole entourée de champs de betteraves ; un héritage transmis de génération en génération. Diplômée de l’Institut agricole de Huy, Aline n’avait pas prévu de reprendre la ferme si tôt, mais la mise en vente de certaines terres jusqu’alors en location et la retraite proche de son papa ont précipité les choses. Aline a travaillé deux campagnes à Longchamps, où elle a acquis une précieuse expérience sur le fonctionnement d’une sucrerie. La tradition familiale d’engagement dans les syndicats agricoles est forte dans la famille : son grand-père, Fernand Bernard, était un membre très actif des J.A.P de Waremme et n’a ces sé de s’intéresser aux activés des U.P.A.

 

C’est dans la défense des intérêts des betteraviers belges qu’il est le mieux connu vu qu’il a gravi les échelons jusqu’à devenir président de la CBB. Son arrière-grand-père était quant à lui président national des U.P.A. Enfin, sa maman a également contribué dans la filière en travail - lant dans les usines d’Oreye et de Tienen, une saison pour les planteurs et 13 années pour les fabricants de sucre et d’inuline où elle payait les planteurs, élaborait les tableaux de bord analytiques de l’activité BENEO notamment.

La ferme familiale d’Aline Depas : héritage et innovation

Juillet 2024 - Actuellement, Aline jongle entre la gestion de la ferme et son emploi en tant qu’indépendante chez ISAGRI. Bien que son emploi du temps soit chargé, elle apprécie son travail et n’exclut pas la possibilité de revenir un jour en tant que contrôleuse à la tare, perpétuant ainsi l’engagement familial dans le secteur agricole. Pour Aline, la culture de la betterave est plus qu’un simple travail, c’est une véritable passion héritée de ses aïeux, qui ont toujours cultivé cette précieuse racine dès son introduction en Hesbaye.

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Est-ce que vous avez repris la ferme seule ou êtesvous en collaboration avec d’autres générations ? Quelles sont les productions de la ferme ?

Je suis fille unique et j’ai repris l’entièreté de la ferme familiale. Mon papa, bien qu’à la retraite, reste actif en me donnant un coup de main, surtout pour les travaux aux champs, pendant que je gère l’administratif. Notre ferme se caractérise par une grande diversité de productions. Nous cultivons des betteraves, des chicorées, du lin, des légumes, des céréales, des pommes de terre et nous exploitons des prairies. Nous pratiquons également quelques doubles cultures. En plus de cela, nous participons aux Mesures Agro-Environnementales (MAE). En ce qui concerne l’élevage, nous avons 39 bovins croisés destinés à la production de viande. Nous les maintenons pour deux raisons majeures. D’une part pour entretenir les prairies situées derrière la ferme, car papa et moi préférons éviter de labourer ces terrains proches des habitations. D’autre part, parce que j’adore m’occuper du bétail ; les animaux font vraiment partie de ma passion pour l’agriculture.

 

Aimeriez-vous changer quelque chose dans votre ex - ploitation à l’avenir ? Spécialisation, autres cultures/ animaux, activités alternatives...

J’envisage plusieurs changements pour l’avenir de mon exploitation. J’aimerais augmenter le nombre de vaches et diversifier le bétail en élevant d’autres animaux. L’idée d’élever des poules pondeuses me semble également intéressante.

La création d’un magasin à la ferme est un projet que j’ai envisagé. Cependant, cela demande beaucoup de temps et d’investissements pour une rentabilité non garantie. De plus, bien que le village de Momalle ne compte plus aucun magasin d’alimentation et que peu de fermes soient encore en activité, ce projet reste en suspens pour le moment. Nous avons déjà expérimenté le lin d’hiver, mais sans succès. Actuellement, nous cultivons les légumes suivants : des fèves des marais, des haricots et des pois de conserverie et des pois mange-tout. Nous envisageons de nous lancer dans la culture d’oignons, bien que cette culture soit délicate et exigeante, notamment en termes de stockage et de disponibilité des matières actives pour les traitements. Cette diminution des matières actives agréées rend plus difficile l’ensemble des cultures.

 

Pour allonger les rotations culturales et permettre l’irrigation des cultures, nous prévoyons de forer un deuxième puits dans un autre bloc de cultures dans le village. En somme, bien que de nombreux projets soient à l’étude, les défis techniques et économiques freinent parfois leur réalisation. Cependant, je reste déterminée à explorer ces nouvelles pistes pour diversifier et améliorer notre exploitation familiale. La gestion de l’exploitation agricole vous prend beaucoup de temps.

 

Existe-t-il d’autres choses qui vous occupent lorsque vous ne travaillez pas sur l’exploitation ? Et d’où vient cet intérêt/cette passion ?

La gestion de l’exploitation agricole prend effectivement beaucoup de mon temps. En dehors de cela, je suis également indépendante chez ISAGRI, où je vends du matériel technologique et donne des formations. J’ai aussi une expérience de deux ans comme contrôleuse de laboratoire en campagne betteravière, ce qui m’a permis de développer des compétences variées. Dès que j’ai un moment de temps, je rends visite aux bébés et jeunes enfants de la famille, d’amis et de connaissances pour jouer avec eux et discuter avec leurs parents. Je me promène régulièrement avec mes 2 chiens et espère toujours avoir l’occasion de parler avec l’un ou l’autre voisin. Et c’est toujours avec grand plaisir que je passe des soirées avec des amis. Mon intérêt pour l’agriculture remonte à mon plus jeune âge, alors que j’accompagnais papa et mes grands-pères dans la cour de la ferme et plus tard, dans les champs. C’est une passion qui m’a été transmise de génération en génération.

 

Mais mon intérêt pour l’agriculture ne s’arrête pas là. Je suis fortement impliquée au sein de la FWA, où je fais partie du comité directeur et où je participe activement à diverses commissions, notamment celles liées à la production végétale, et à différents groupes de travail. Pour moi, s’impliquer est crucial. Je pense qu’il est important de ne pas se contenter de critiquer sans participer aux discussions. Bien que cela puisse être difficile, surtout pendant les saisons chargées, je crois qu’il est essentiel de donner son avis et de participer activement aux travaux du syndicat. Cela me permet non seulement de perpétuer l’engagement de mon grand-père, mais aussi de créer un réseau professionnel solide. Mon implication à la FWA m’offre également l’avantage d’être informée des nouvelles réglementations et des évolutions du secteur plus rapidement, ce qui me permet de mieux anticiper et de me préparer aux changements.

 

Je suis également engagée en politique, inscrite sur les listes électorales, ce qui, pour moi, est une autre manière de renforcer mon réseau et de m’assurer que les préoccupations des agriculteurs soient entendues au niveau local et remontées au niveau national et européen. Ainsi, entre la gestion de la ferme, mon travail chez ISAGRI, mon engagement syndical et politique, j’arrive à équilibrer mes multiples responsabilités tout en poursuivant ma passion pour l’agriculture.

« La rentabilité est une préoccupation majeure. »

Aline Depas

Comment avez-vous vécu les dernières grèves et manifestations ?

J’ai participé activement aux dernières grèves et manifestations agricoles, bien qu’ayant dû manquer certaines mobilisations en raison de mes responsabilités à la ferme. L’engagement était indéniable, et j’ai ressenti une forte solidarité au sein du monde agricole, avec un grand nombre de participants démontrant leur inRENCONTRE quiétude commune. Cependant, je ressens une certaine frustration. Malgré la forte mobilisation, je n’ai pas l’impression que les politiques aient réellement pris en compte nos revendications. Je déplore les quelques échauffourées qui ont eu lieu et je tiens à souligner que je n’approuve pas la violence. Bien qu’il soit parfois nécessaire de montrer notre détermination pour avoir un impact, il est crucial de ne pas dépasser certaines limites. “Il ne sert à rien de tout casser”, comme je le dis souvent, rappelant l’importance de maintenir le soutien des consommateurs.

 

Je remarque que les manifestations tendent à diminuer avec l’arrivée des beaux jours, mais je reste sceptique quant aux résultats concrets obtenus par les agriculteurs. “Nous avons reçu beaucoup de promesses, mais nous attendons de voir ce qui en ressortira. Je trouve que les démarches sont trop lentes et j’insiste sur la nécessité de replacer l’agriculture au centre des décisions politiques. Pour moi, la PAC est devenue incompréhensible et il est urgent de clarifier et de recentrer les priorités pour soutenir efficacement le secteur agricole.

 

Vous cultivez des betteraves dans votre ferme. Pourriez-vous abandonner cette culture ? Et si oui, qu’est-ce qui vous y inciterait ?

J’espère sincèrement que nous n’aurons jamais à abandonner la culture de la betterave. Cependant, plusieurs facteurs pourraient nous y contraindre. La complication croissante du désherbage, due à la suppression des produits phytosanitaires, est l’un de nos principaux défis. Pour moi, si le désherbage mécanique ne s’améliore pas significativement, les outils actuels, comme les bineuses, ne suffiront pas à résoudre le problème. Je suis particulièrement préoccupée par la suppression éventuelle des fongicides. Si cela se produit, je crains de ne plus pouvoir cultiver des betteraves saines.

 

La rentabilité est également une préoccupation majeure. Si les prix de vente baissent trop, rendant la culture non rentable, cela pourrait nous forcer à arrêter. “Les prévisions sur les prix futurs sont inquiétantes”. Il existe un seuil en-dessous duquel il n’est pas viable de continuer. Cette année a été meilleure mais je n’oublie pas les mauvaises années antérieures.

 

Je souligne également la complexité des négociations. Les interlocuteurs avec lesquels nous négocions ne sont pas souvent les décideurs finaux car, comme chacun le sait, les décisions de la Raffinerie Tirlemontoise (RT) dépendent des dirigeants de Südzucker, maison mère allemande du groupe RT. Cela crée une situation difficile pour nous, agriculteurs belges, qui nous retrouvons impactés par des décisions prises ailleurs et par des personnes très attentives aux intérêts des planteurs allemands.

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​De plus, ma maman, qui apprécie beaucoup le secteur de la betterave, serait réticente à l’idée d’abandonner cette culture. En résumé, bien que notre famille soit attachée à la culture betteravière, plusieurs obstacles pourraient nous obliger à reconsidérer notre position, notamment la gestion des herbicides et fongicides ainsi que les fluctuations du marché.

« Il est parfois nécessaire de faire des compromis pour avancer. »

Aline Depas

Pouvez-vous nous parler de vos pratiques en matière de durabilité et de protection de l’environnement dans la culture de betteraves ?

Dans notre engagement pour une agriculture plus durable, nous adoptons plusieurs pratiques environnementales dans la culture de betteraves. Tout d’abord, nous plantons des bandes fleuries, favorisant ainsi la biodiversité et l’habitat des insectes pollinisateurs. Le binage est privilégié dès que possible pour limiter l’utilisation d’herbicides. L’utilisation de matières organiques est une autre composante essentielle de notre approche. Nous faisons également des efforts pour semer et pulvériser la culture au meilleur moment de la journée, parfois même en nous levant très tôt pour bénéficier de conditions optimales d’humidité et de vent. Toutes nos betteraves sont cultivées sous couvert, avec une couverture hivernale maintenue pour protéger les sols. Nous envisageons également de participer au programme de durabilité de la Raffinerie Tirlemontoise (RT).

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Je souligne l’importance de notre engagement dans ces initiatives, même si certains aspects, comme la plantation de fleurs, peuvent sembler fastidieux sur les plans pratique et administratif. Je remarque également une tendance au grognement dans le monde agricole, mais j’estime qu’il est parfois nécessaire de faire des compromis pour avancer. Par exemple, bien que certains agriculteurs puissent être réticents à fournir des informations à des fins de durabilité, je vois cela comme un moindre mal si cela permet de bénéficier d’un soutien financier précieux via des subventions.

 

Comment vivez-vous la campagne, le traitement des betteraves, les relations avec les fabricants de sucre ?

La campagne betteravière, souvent perçue comme trop longue par ma famille et moi-même, pose plusieurs défis, notamment en raison des complications liées au surbâchage et au sentiment de manque de respect de la part des fabricants de sucre. Je m’explique, nous ressentons parfois que notre rôle est réduit à celui de simples exécutants qui doivent obéir aux instructions reçues en cours de campagne via message sms ou mail. Cela a pour effet de créer des tensions entre les agriculteurs et la direction de la RT.

 

Je critique également la communication de la Raffinerie Tirlemontoise (RT), trouvant que le ton employé manque de respect. À mon sens, les problèmes occasionnés par les campagnes de 120 jours, tels que le surbâchage, devraient être entièrement assumés par les fabricants de sucre. Si la RT souhaitait, comme en Allemagne, prendre en charge le bâchage, je serais disposée à rendre les bâches avec plaisir. Cependant, à titre personnel, je déplore le manque de considération pour les travailleurs agricoles, comme en témoigne l’obligation du retrait des jupettes sous la neige.

 

Souhaiteriez-vous changer quelque chose dans le fonctionnement actuel des fédérations/syndicats ?

Aline Depas exprime un certain mécontentement concernant le fonctionnement des fédérations et des syndicats agricoles. Elle remarque que beaucoup de planteurs critiquent ces organisations sans être disposés à assumer les responsabilités des postes de direction. Pour Aline, il est crucial de pouvoir exprimer son désaccord de manière constructive, tout en reconnaissant que des compromis peuvent parfois être nécessaires. Elle estime que les négociateurs pourraient adopter une approche plus ferme dans leurs revendications et regrette parfois un manque de fermeté dans les discussions.

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